Notre rédaction va mettre en pleine lumière cet article qui vient de paraître, dont le thème est «la justice».
Son titre (Au tribunal de Brest, ce juge à qui on ne la fait pas) parle de lui-même.
Identifié sous le nom «d’anonymat
», l’éditorialiste est positivement connu.
Vous pouvez ainsi faire confiance à cette parution.
Texte mentionné :
Si le port de la robe de justice rappelle l’autorité, encore faut-il savoir l’exprimer. Né à Saint-Mandé en 1964, Xavier Jublin, qui préside la chambre correctionnelle de Brest depuis plus de dix-sept ans, est des magistrats de cette étoffe. Il connaît la musique pour orchestrer toutes les partitions d’un débat pénal. Devenu magistrat en 1990 au terme de ses études de droit à Paris, l’homme sait jouer de sa voix et d’une gestuelle propre jusqu’à marquer les procès de son empreinte.
Face à lui, les prévenus, qui feignent l’oubli ou clament des thèses, doivent se méfier. Aucun artifice n’échappe à la sagacité du juge, aussi prompt à jouer la comédie humaine. D’une parole servie sur un ton délibérément douceâtre, il rappelle l’évidence. D’un signe volontairement théâtral, il impose le silence. Et quand l’esprit stylise la forme, c’est tout un art qui fait dire aux acteurs et observateurs du Palais : « C’est une audience Jublin ! ».
Mais quand l’habit solennel est suspendu, dans le siège de son bureau, le juge lève le masque. Le recul d’une carrière de plus de trente années dans les juridictions l’autorise à dire qu’il cadre parfois trop les débats, estimant que « c’est à la fois une qualité et un défaut ». Le ton manifeste alors le dilemme. « Pour la compréhension de l’affaire, il est essentiel que chacun s’explique. Reste que l’audience doit aussi avancer sans digressions inutiles ! ».
Quand les élans humains se heurtent aux impératifs procéduraux, le choix d’une bonne gestion du procès est privilégié vu le comportement de certains prévenus. « Je leur rends aussi service en évitant de les laisser dire n’importe quoi ! », dit-il avec conviction. Toutefois, sa quiétude se voile parfois. Le visage du magistrat esquisse alors une amertume quand il évoque les moyens de la justice en peine. « La courbe de l’enthousiasme des débuts tend parfois à rejoindre celle du désappointement », convient-il, sans se départir d’une volonté bien ancrée. « J’ai toujours voulu exercer ce métier parce que j’aime le juste équilibre ! ».
« La courbe de l’enthousiasme des débuts tend parfois à rejoindre celle du désappointement »
« J’ai l’impression d’entrer dans un tunnel sans fin »
Xavier Jublin prépare les audiences dans son bureau du Palais, porte ouverte sur un long couloir, où résonnent pas pressés et voix animées. « Je demeure ainsi dans l’ambiance des lieux, disposé aux échanges ». Sur la table de travail, deux écrans se côtoient. Sur l’un, les procès-verbaux du dossier défilent, quand sur l’autre, le juge capte les extraits utiles. « Avec le temps, je sais où réside l’intérêt. Je sais des déclarations que je lis au cours des interrogatoires, car c’est plus vivant », dit celui qui a commencé sa carrière au parquet du Havre, avant de poursuivre à Quimper.
Plus que les affaires de stupéfiants, dont « la trame est souvent la même », l’homme de loi avoue une étude complexe de celles liées aux mœurs, « surtout quand les faits sont contestés ». S’il ne le dit pas, il ne lâche jamais « le morceau », selon l’expression commune.
Quand sont évoqués les plus rares faits qui l’exposent « à une technicité juridique particulière », le juriste, soucieux d’une parfaite maîtrise du dossier, ne compte pas son temps consacré aux plus infimes détails pour un échange à la hauteur. Quant aux homicides involontaires, ils font plisser ses yeux : « Ce sont des procès délicats pour toutes les parties ». Plus encore pour les visioconférences « en raison du manque de naturel, les avocats n’étant pas aux côtés de leurs clients ». En s’arrêtant sur toutes ces histoires de la tragédie humaine, le président de la juridiction répressive confie : « J’ai l’impression d’entrer dans un tunnel sans fin ! ».
À la sortie d’une audience tardive, « la descente pendant deux heures »
En revanche, le regard du quinquagénaire s’écarquille quand d’aucuns lui prêtent un penchant à donner des leçons de morale aux mis en cause pendant les débats. « Les impressions favorables ou pas n’apparaissent que dans le secret du délibéré ! », abrège-t-il. Et quand les décisions sont prises, que se passe-t-il pour celui qui les prononce ? « Là, au terme d’une audience tardive, c’est la descente pendant deux heures », soupire l’interlocuteur, sans robe solennelle, considérant que « juger au nom de la société n’est pas anodin ».
La nuit souvent tombée, il conduit près d’une heure pour rejoindre son domicile hors de Brest. Si son esprit est alors insondable, de ce côté s’entendent les mots d’Anatole France : « La majesté de la justice réside tout entière dans chaque sentence rendue par le juge au nom du peuple souverain ». Xavier Jublin ne saurait démentir.
A lire sur le même propos:
Appel à la justice de l’État/Avertissement,Le livre . Ouvrage de référence.
La justice,A voir et à lire. .
Sociologie de la délinquance et de la justice pénale – Nouvelle édition actualisée,Ouvrage .