Transports collectifs et communication de masse au public

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Transports-collectifs-et-communication-de-masse-au-publicLe 20 avril 2023 dans les affaires jointes Blue Air (C-775/21) et SNTFC (C-826/21) la CJUE s’est prononcée une nouvelle fois sur l’atteinte au droit de communication au public, apportant une nouvelle contribution à la jurisprudence déjà riche en la matière. Cette fois, les questions portaient sur l’existence (ou non) d’une communication au public par des personnes ayant installé des équipements pouvant être utilisés pour la diffusion d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

La question remonte à 2006, lorsque la CJUE a jugé que les hôteliers commettent des actes de communication au public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur la société de l’information lorsqu’ils distribuent des signaux par le biais de la télévision à leurs clients (C-306 /05). Depuis lors, dans une série d’affaires reflétant diverses circonstances, la CJUE a été appelée à plusieurs reprises à appliquer ses conclusions dans différents scénarios, comme dans la salle d’attente d’un dentiste (C-135/10), dans une station thermale (C‑351/12), dans un centre de rééducation (C-117/15) et en relation avec un service de location de voitures (C-753/18).

Dans les présentes affaires jointes, la CJUE a été invitée à préciser si la diffusion de pièces musicales et l’installation d’équipements sonores dans un moyen de transport – avion (C-775/21) et train (C-826/21) – constituent des actes de communication au public. La CJUE a également été invitée à décider si l’article 8, paragraphe 2, de la directive sur les droits de location et de prêt s’oppose à une législation nationale établissant une hypothèse réfutable selon laquelle les œuvres musicales sont communiquées au public en raison de la présence de systèmes sonores dans les moyens de transport.

Concernant la première question, la CJUE a jugé que la diffusion d’un morceau de musique sur un vol d’une compagnie aérienne commerciale constituait une communication au public. Pour arriver à cette conclusion, la CJUE a mis l’accent sur deux critères : que la compagnie aérienne intervienne en pleine connaissance des conséquences de son comportement pour donner accès à ses clients à une œuvre protégée ; et qu’en l’absence de cette intervention, ces clients ne pourraient, en principe, pas profiter de l’œuvre. Il s’agit d’une conclusion générale qui est conforme au modèle conceptuel du droit de communication au public de la Cour (une compréhension large et flexible et une « évaluation individuelle » sur la base de plusieurs critères complémentaires et interdépendants, voir par. 47-49 ). Par conséquent, cette réponse ne fait que confirmer une position établie sur le droit de communication au public.

Néanmoins, la décision sur la première question véhicule un message intéressant en mettant l’accent sur la notion de finalité (par. 49), qui se place même avant l’autre critère additionnel du caractère lucratif de l’acte. Le caractère lucratif semble être déclassé au rang de « pas nécessairement une condition essentielle ». La finalité, c’est-à-dire la pleine connaissance que l’acte aura pour conséquence de donner accès à l’œuvre protégée, apparaît comme une condition préalable à l’application du droit de communication au public (par. 50). Cette hiérarchie subtile des critères supplémentaires pour déterminer la communication au public a des conséquences très pratiques quant à la réponse aux deux questions suivantes.

Les deuxième et troisième questions sont interdépendantes et nécessitent plus d’attention. En effet, un élément intrigant de la saga interprétative sur le droit de communication au public a été le rôle du considérant 27 de la directive Infosoc. Selon cette disposition, la simple fourniture d’installations physiques pour permettre ou effectuer une communication ne constitue pas en soi une communication. Qualifier l’acte de simple fourniture d’installations physiques a un effet neutralisant, puisque dans ce cas le droit n’est pas applicable. On pourrait avancer que la distinction entre la fourniture d’un dispositif et la fourniture d’un accès par l’intermédiaire d’un dispositif est assez ténue et, à cet égard, une clarification était attendue.

Pour la CJUE, la simple installation d’équipements sonores dans un moyen de transport ne peut être assimilée aux actes par lesquels des prestataires de services transmettent intentionnellement des œuvres protégées à leurs clients en diffusant un signal au moyen de récepteurs qu’ils ont installés dans leur établissement, permettant l’accès à de tels travaux. Comme le relève la Cour, si le simple fait que l’utilisation d’un matériel de sonorisation et, le cas échéant, d’un logiciel, soit nécessaire pour que le public puisse effectivement profiter de l’œuvre entraînait automatiquement la qualification de l’intervention de l’opérateur de ce système en tant qu’«acte de communication», toute «mise à disposition d’installations matérielles pour permettre ou faire une communication», dont la présence est requise par la législation nationale régissant l’activité du transporteur, constituerait un tel acte, qui est , toutefois expressément exclue par le considérant 27 de la directive 2001/29. Par conséquent, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE doivent être interprétés en ce sens que la simple installation à bord d’un moyen de transport, d’un équipement sonore et/ou d’un logiciel, permettant la diffusion d’une musique d’ambiance, ne constitue pas une communication au public.

En conséquence et suite à ses réponses aux questions précédentes, la CJUE a également déclaré que le droit de l’UE s’oppose à une législation nationale qui établit une hypothèse réfutable selon laquelle les œuvres musicales sont communiquées au public en raison de la présence de systèmes sonores dans les moyens de transport.

La décision est intéressante car elle apporte une clarification sur le rôle de l’utilisateur qui facilite l’accès à une œuvre protégée par le droit d’auteur. Il apparaît que la simple installation d’équipements permettant la communication des oeuvres ne suffit pas à elle seule à fonder l’application du droit de communication au public. Une définition aussi large serait ingérable en pratique. Une action plus active et délibérée de l’utilisateur en termes de fourniture d’accès est requise, telle que la transmission des œuvres par le biais de signaux. En d’autres termes, il ne suffit pas de posséder une porte d’accès, mais encore faut-il ouvrir la porte à autrui pour qu’un acte de communication soit caractérisé. Concrètement, la simple installation d’un dispositif est à distinguer de l’acte de donner accès à une œuvre protégée en ce sens que dans le premier cas il n’y a pas intention (paragraphe 71) pour donner accès à l’œuvre protégée.

Le médium, ici, n’est pas le message. Bien que la conclusion de la Cour puisse sembler a priori plus restrictive par rapport à ses précédentes décisions dans les affaires hôtelières, elle s’appuie sur un raisonnement similaire. Les hôteliers communiquent les œuvres au public non seulement parce qu’ils ont installé des équipements de télévision dans les chambres, mais parce qu’ils ont connecté les appareils à une antenne en sachant parfaitement que, ce faisant, ils donneraient accès à des œuvres protégées par le droit d’auteur. De même, la décision est également conforme aux conclusions de la Cour dans l’affaire Stichting Brein (C-527/15) lorsqu’il a été constaté qu’une personne qui a préinstallé, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, dans des lecteurs multimédias des modules complémentaires permettant d’accéder à des œuvres protégées, communique ces œuvres au public.

En conclusion, ces résultats contribuent à délimiter un concept central (le droit à la communication au public) qui a été largement défini, se rapprochant ainsi d’un consensus plus équilibré entre le contrôle de l’accès à l’œuvre protégée et son libre accès. Concrètement, cela signifie également que les titulaires de droits devront être prudents dans la preuve de l’acte de communication au public, car la simple existence d’un dispositif de diffusion ne suffit pas.

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