Le Conseil d’Etat
Certains considèrent
L’affaire a été déposée le 12 juillet 2021 par deux syndicats français chargés de la défense des intérêts des auteurs (Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP)
Le principe de rémunération appropriée et proportionnée des articles 18 et 20 de la CDSM
L’article 18 de la CDSM prévoit que lorsque les auteurs concèdent ou cèdent leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres, ils sont «droit de recevoir une rémunération appropriée et proportionnée‘.
L’article 20 prévoit un mécanisme d’ajustement de la situation financière si l’exploitation de l’œuvre montre finalement que le contrat initial n’est pas équitable pour l’auteur. En effet, les États membres doivent s’assurer que les auteurs sont «en droit de réclamer une rémunération complémentaire, appropriée et équitable à la partie avec laquelle ils ont conclu un contrat d’exploitation de leurs droits, ou aux ayants droit de cette partie, lorsque la rémunération initialement convenue s’avère disproportionnée par rapport à l’ensemble les revenus pertinents ultérieurs tirés de l’exploitation des œuvres ».
Rémunération des auteurs au titre de la loi française sur le droit d’auteur avant l’ordonnance 2021
Deux formes de rémunération sont possibles en droit français : les redevances assises sur les revenus tirés de l’exploitation de l’œuvre et, par exception à cette règle, les redevances fixées sous forme de forfait.
1) Article L131-4 alinéa 1 du Code de la Propriété Intellectuelle
Il n’y a presque pas de jugements indiquant quel pourcentage serait trop faible. Par un jugement du 16 mai 1969, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que 2,5 % n’est pas suffisant et donc contraire à la loi, et par un jugement du 30 novembre 1999, le même tribunal a jugé qu’une clause prévoyant 0 % pour les 1 000 premiers exemplaires vendus, 7 % pour les 2 000 exemplaires suivants et 10 % au-delà des 3 000 exemplaires vendus, ce qui était nul. En France, le pourcentage sera souvent compris entre 5% et 10%, la principale base de calcul – le prix de vente – étant très large ; le taux et la base de calcul de la redevance dépendront bien sûr du secteur (musique, TV, cinéma, etc.) et de certaines règles spécifiques.
Il est intéressant de noter qu’en l’espèce, l’avocat des requérants a plaidé devant le Conseil d’Etat que « 0,5 % de redevances est proportionnel ». Mais peut-on considérer que la somme ainsi obtenue est appropriée compte tenu des travaux effectués ? (Ici
2) Il existe des exceptions à cette règle générale : article L131-4 alinéa 2 CPI
1° Il n’existe aucun moyen pratique de déterminer la base de calcul de la rémunération proportionnelle ;
2° Il n’existe aucun moyen de contrôle de la rémunération proportionnelle ;
3° Le coût qu’impliquent le calcul et le contrôle des opérations ne justifierait pas les résultats escomptés ;
4° La nature ou les conditions d’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit parce que la contribution de l’auteur ne constitue pas un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit parce que l’utilisation de l’œuvre n’est que d’une caractère accessoire par rapport à l’objet exploité ; […]
Si l’exploitation de l’œuvre est financièrement plus fructueuse que prévu, l’article L.131-5 CPI
« Si le droit d’exploitation a été cédé et que l’auteur subit un préjudice supérieur aux sept douzièmes du fait d’un contrat inéquitable ou d’une estimation insuffisante du produit de l’œuvre, il peut exiger une révision des conditions de prix prévues au contrat. .
Cette demande ne peut être faite que si le travail a été confié contre une rémunération forfaitaire.
Le préjudice subi par l’auteur s’apprécie en tenant compte de l’exploitation globale par le cessionnaire des œuvres de l’auteur qui prétend avoir subi un préjudice.”
Il est possible d’apprécier le préjudice subi par l’auteur du fait du contrat abusif par référence aux pratiques du secteur (CA Paris, 15 mai 1987).
La transposition de la CDSM en droit français
La transposition française des articles 18 à 23 du CDSM n’a pas modifié substantiellement les dispositions énoncées ci-dessus :
- L’article L131-4 alinéa CPI reste inchangé et fait toujours référence à une participation proportionnelle, et non à une participation « appropriée »,
- L’article L131-5 CPI est désormais – pratiquement inchangé – dans l’article L131-5-I
L’arrêté 2021 a transposé l’article 20 du CDSM à l’article L131-5-II à IV
L’arrêt du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a constaté que même si l’arrêté de 2021 prévoyait que les auteurs pouvaient prétendre à la révision du forfait initial et à une rémunération complémentaire lorsque les droits proportionnels étaient trop faibles, il «ne prévoyait pas, contrairement à ce qu’exige la directive, que la rémunération soit, dès le début« correct » (§14) (souligné par l’auteur), c’est-à-dire directement dans les contrats de cession conclus par les auteurs. Le tribunal administratif a plus généralement considéré que l’arrêté 2021 n’appliquait pas correctement le CDSM car il ‘ne prévoit pas que les auteurs […] ont le droit de recevoir une rémunération appropriée‘ (§15). Le Conseil d’Etat a donc annulé l’ordonnance de 2021 dans la mesure où celle-ci ne prévoyait pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres aient droit à une rémunération appropriée.
Dans sa décision, le Conseil d’État n’explique pas comment le CDSM devrait être mis en œuvre, mais il apparaît que le CDSM exige que la loi nationale doive prévoir que les auteurs ont droit à une rémunération appropriée et proportionnée, non seulement au titre de la accord initial de licence ou de cession, mais aussi dans les mécanismes d’ajustement.
À suivre…