craint que le chiffre puisse doubler. Le nombre de blessés et de sans-abri est bien pire. Selon Ross Stein, le chef de la société de modélisation des catastrophes Temblor, «le facteur numéro un [was] qualité de construction”. Autre les sismologues et les ingénieurs affirment que les normes de construction et leur non-application ont contribué à un nombre élevé de morts.
Ces revendications déclenchent une série de questions du point de vue des droits de l’homme. En particulier, s’il ne fait aucun doute que des pertes en vies humaines et des destructions de biens sont attendues à la suite d’un tremblement de terre de magnitude 7,8, la question est de savoir si l’État a pris toutes les mesures nécessaires pour minimiser les pertes en vies humaines (article 2 CEDH), protéger le droit à vie privée et familiale (article 8 CEDH) et prévenir la destruction de biens (article 1 du Protocole n° 1).
M Ozel et autres c. Turquie que, bien que les États n’aient aucun contrôle sur les tremblements de terre, ils sont dans l’obligation d’adopter des « mesures visant à réduire leurs effets afin de minimiser leur impact catastrophique. À cet égard, l’obligation de prévention revient donc à adopter des mesures visant à renforcer la capacité de l’État à faire face au caractère inattendu et violent de phénomènes naturels tels que les tremblements de terre» (par. 173). La Cour a en outre expliqué que ces mesures comprennent « un aménagement du territoire approprié et un développement urbain contrôlé » (paragraphe 174). Même si la plainte était tardive, la Cour a jugé pertinent de noter que «les autorités locales qui auraient dû surveiller et inspecter [the
respective] bâtiments avaient manqué à leurs obligations de le faire» (par. 175).
Erdogan a blâmé la mauvaise construction pour le nombre de morts (alors) élevé et a soutenu que la négligence des municipalités, des constructeurs et des superviseurs équivalait à un meurtre. Comme au lendemain du tremblement de terre de 2011, les autorités turques ont publié de nombreux mandats d’arrêt et ont déjà arrêté un certain nombre d’entrepreneurs dont les bâtiments se sont effondrés lors des tremblements de terre de 2023. Bref, il semble exister à première vue arguments scientifiques et reconnaissance politique par les autorités turques que le nombre de morts et la destruction de biens lors des tremblements de terre passés et récents sont donc liés à une mauvaise construction et à la négligence humaine.
Il convient de noter que les poursuites pénales contre les entrepreneurs dont les bâtiments se sont effondrés ne satisfont pas pleinement les obligations des États au titre du droit à la vie. Ce n’est qu’un post factum obligation. TurquieLes obligations de la CEDH en vertu de la CEDH demeurent également en ce qui concerne l’obligation de prévenir la perte de la vie, qui comprend deux obligations positives. Premièrement, délivrer des permis de construire adéquats et appliquer les réglementations de construction requises pour prévenir les pertes de vie lors de tremblements de terre, et, deuxièmement, prendre des mesures opérationnelles adéquates pour rechercher et sauver des vies après le tremblement de terre.
Alors que de nombreuses victimes sont toujours portées disparues sous les décombres et que les personnes retrouvées ont besoin de nourriture, de soins médicaux et d’un abri, l’accent doit rester sur les opérations de recherche et de sauvetage, l’aide et la solidarité avec les victimes. Pourtant, le facteur humain impliqué dans cette tragédie mérite également une discussion approfondie sur la responsabilité de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger le droit à la vie tel que garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.