Le mercredi 6ème En décembre, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté par consensus la résolution A/C.6/79/L.16 soumise par la Sixième Commission de l’AGNU (ici). Sur la base de cette résolution, l’AGNU a décidé d’« élaborer et conclure un instrument juridiquement contraignant sur la protection des personnes en cas de catastrophe, sans préjudice des effets juridiques de toute disposition particulière qui y figure, d’ici fin 2027 au plus tard ». » (OP 4). Avec son adoption, l’AGNU a ainsi ouvert la voie à des négociations sur un traité universel sur le cadre juridique international applicable aux catastrophes, basé sur le projet d’articles de la Commission du droit international (ILC DA) adopté en 2016. Cette contribution se concentrera sur la le long cheminement des DA de l’ILC vers un traité, les prochaines étapes et les questions juridiques qui seront au centre des prochaines négociations entre États.
Du tsunami de 2004 au futur traité, loin du chemin parcouru
Le thème de la « Protection des personnes en cas de catastrophe » est entré à l’ordre du jour de la CIT en 2006 grâce à une étude préliminaire détaillée (Annexe III) initiée par le Secrétariat de la CIT, qui a souligné la « nécessité perçue de systématiser une telle législation » (p. 206). ). En effet, les défis juridiques posés par la méga-catastrophe du tsunami de 2004 ont encore mis en évidence l’incohérence du cadre juridique caractérisant ce domaine du droit (voir la base de données de la FICR) et l’absence d’un traité phare.
Les activités de la CIT, dirigées par le rapporteur spécial Eduardo Valencia-Ospina, ont finalement abouti à l’adoption des DA. Le texte n’est pas particulièrement long, composé uniquement d’un préambule et de 18 DA, visant ainsi à établir les grands principes en la matière. Néanmoins, il a ses mérites, comme discuté ailleurs (ici, ici et dans un précédent article d’EJIL:Talk!). Premièrement, sa portée est étendue à l’ensemble du cycle des catastrophes, y compris les activités de secours et de réduction des risques de catastrophe, tandis que sa définition de catastrophe (DA 3) couvre les catastrophes causées par des risques naturels ou d’origine humaine, couvrant à la fois les catastrophes soudaines et à évolution lente. Deuxièmement, sa structure autour de deux axes principaux répond de manière globale à des questions clés.
D’une part, un ensemble de dispositions se concentrent sur l’axe « vertical », traitant de la relation entre les victimes de catastrophes, l’État touché et les acteurs qui prêtent assistance (DA 4, Dignité humaine ; 5, Droits de l’homme ; 6, Principes humanitaires). D’autre part, sa dimension « horizontale » se concentre sur les relations juridiques entre les États touchés et les acteurs apportant leur assistance (DA 7 à 17), réglementant leurs rôles dans des domaines tels que le consentement à l’assistance, les offres et demandes d’assistance, ou les dispositions opérationnelles régissant les secours. opérations. Enfin, sa disposition finale (DA 18) articule la relation entre les DA et d’autres règles du droit international, y compris le droit international humanitaire (DIH).
En 2016, l’ILC « recommande à l’Assemblée générale l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles », s’écartant de sa tendance à privilégier des formes finales « douces » pour les sujets à l’étude (ici). Toutefois, l’approbation de cette recommandation a mis du temps à se concrétiser.
L’Assemblée générale de l’ONU, à travers des résolutions adoptées en 2016 et 2018, a invité les gouvernements à soumettre des commentaires sur cette recommandation : Ces demandes n’ont pas reçu un nombre significatif de réponses de la part des États (ici et ici). Le tournant, cependant, a été la résolution 76/119 (2021) de l’AGNU (ici), également adoptée avec le soutien du groupe restreint d’États (Bahamas, Bangladesh, Colombie, Croatie, Hongrie, Italie, Nigeria et Thaïlande). La résolution a décidé « d’examiner plus avant la recommandation de la Commission tendant à l’élaboration d’une convention par l’Assemblée générale ou par une conférence internationale de plénipotentiaires sur la base du projet d’articles, ou toute autre ligne d’action potentielle concernant le projet d’articles ». articles… dans le cadre d’un groupe de travail de la (Sixième) Commission », qui s’est réuni en 2023 et 2024 lors des sessions de la Sixième Commission de l’AGNU.
Ce format spécifique de la Sixième Commission de l’AGNU, avec des caractéristiques similaires reproduites pour le texte de la CDI sur les crimes contre l’humanité, a été particulièrement utile pour faciliter un engagement significatif des délégations sur cette question. Au cours du Groupe de travail, des dizaines d’États ont pris la parole pour faire des déclarations (déclarations écrites rassemblées ici et ici, accompagnées de déclarations orales au cours du débat), également au nom de groupes d’États (par exemple Groupe arabe, Groupe africain, pays nordiques, pays européens). Union).
Sur la base de ce débat approfondi et du dialogue qui a suivi, qui ont en partie remodelé le projet de résolution, la Sixième Commission a finalement adopté le document A/C.6/79/L.16, qui fixe un certain nombre d’étapes pour l’élaboration d’un traité. Premièrement, les gouvernements sont invités à soumettre des propositions d’amendements aux DA d’ici le 31 décembre 2025. Dans ce cas, l’intérêt s’est donc déplacé du débat sur les commentaires sur le texte à la proposition de véritables amendements pour la deuxième étape identifiée. En effet, d’ici fin 2026, un groupe de travail de la Sixième Commission élaborera un texte consolidé qui comprendra « les projets d’articles et les propositions soumises par les gouvernements ». La dernière étape sera la rédaction du traité « au plus tard fin 2027, aux dates, lieux et selon les modalités qui seront déterminés par l’Assemblée générale lors de sa quatre-vingtième session ». En fait, ce sera à l’Assemblée générale des Nations Unies l’année prochaine de décider du lieu et des aspects procéduraux de la phase de négociation, même si la même résolution A/C.6/79/L.16 reconnaît déjà comment « le gouvernement de les Philippines ont exprimé leur intérêt à accueillir une conférence ».
Des questions qui seront au premier plan des négociations
Si les prochaines étapes du processus de négociation ont été clairement identifiées, les débats qui ont eu lieu lors des sessions précédentes du Groupe de travail, tels que résumés dans les rapports de la présidence (ici et ici), permettent déjà de spéculer sur les principales questions qui seront au centre du débat, ils devraient être réitérés sous forme d’amendements concrets.
Premièrement, même si le texte actuel des DA de la CIT constituera la base des négociations, les États ont déjà reconnu la nécessité de tirer parti du projet dans son ensemble, en particulier du Commentaire, comme le confirment les rapports du Président, qui mentionnent les États proposant de prendre en compte les éléments « identifiés par la Commission du droit international dans le Commentaire » (par exemple ici, p. 3). En effet, la CDI a abordé plusieurs aspects importants dans les commentaires qui ne sont pas présents dans le texte brut des DA, ce qui implique que certains éléments qualificatifs doivent être « améliorés » dans le libellé des dispositions pertinentes afin de clarifier leur portée. Un exemple pourrait être la même définition des catastrophes dans le DA 3, comme l’exclusion de son application d’événements tels que de simples situations de crise politique et économique ou de conflit armé, conformément aux références courantes à ce terme dans ce domaine du droit, est présent dans le Commentaire plutôt que dans le texte du DA 3. La même chose pourrait être dite du DA 18 sur la relation de ce texte avec d’autres règles du droit international, où le Commentaire permet de mieux comprendre la logique et le fonctionnement des DA en relation avec le DIH.
Deuxièmement, les délégations ont déjà souligné une certaine distance entre ceux plus enclins à renforcer les prérogatives des États concernés, avec un impact possible sur le contenu de certaines dispositions, et d’autres souhaitant maintenir l’équilibre déjà assuré par la CDI. Des exemples de points de vue divergents peuvent être trouvés concernant le Plan d’action 13 sur le consentement, où le rapport du Président (p. 14) souligne que « concernant le paragraphe 2, plusieurs délégations ont demandé des éclaircissements sur la référence au consentement « refusé arbitrairement » » alors que « d’autres les délégations ont considéré le paragraphe 2 comme une disposition équilibrée». La même chose pourrait être dite des débats sur le DA 9, qui traite de la RRC.
Troisièmement, le processus de négociation doit transformer le texte actuel en traité. Si certains aspects formels ont déjà été fournis par l’ILC sous la forme d’un préambule pour façonner sa justification, d’autres éléments manquants devront nécessairement être comblés et n’ont pas encore attiré une attention significative de la part des États. On pourrait faire référence à des clauses de règlement des différends ou au rôle éventuel d’une réunion des États parties, d’un organe technique ou d’un secrétariat, en vue de faire du traité un instrument vivant, créant des forums permettant aux États de maintenir ces questions sur la scène internationale. l’ordre du jour et faciliter son application (par exemple ici, p. 8).
Quatrièmement, les prochaines étapes devraient être utilisées par les États pour réfléchir plus avant au contenu réel des DA afin de combler les lacunes, telles que le rôle des États de transit ou les références à une obligation de notification. En outre, comme l’ont déjà souligné plusieurs États au cours du Groupe de travail, le texte pourrait être « davantage élaboré avec plus de détails sur les mesures particulières à entreprendre afin de faciliter l’aide extérieure » (rapport du Président, p. 16). Cette solution impliquerait un renversement de l’approche actuelle du Plan d’action 15, qui appelle uniquement les États à fournir des services nationaux de facilitation pour le personnel, les biens et les équipements de secours. Cette approche plus détaillée serait conforme au plan initialement proposé par le Secrétariat de l’ILC (ici p. 213), où il a été suggéré d’inclure un ensemble de dispositions de fond sur la facilitation, basées sur les dispositions détaillées des traités sur les activités de secours telles que comme la Convention de Tampere de l’UIT sur la fourniture de ressources de télécommunications ou la Convention de l’AIEA sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou d’urgence radiologique.
En effet, comme le reconnaît la Fédération internationale dans ses commentaires, d’un point de vue juridique, « malgré une meilleure compréhension et certains progrès, la plupart des gouvernements restent largement mal préparés à une catastrophe » : il leur incombe de rendre leurs cadres nationaux « favorables » à l’aide internationale. opérations et traiter de multiples réglementations nationales sectorielles risquerait de perpétuer le scénario fragmenté actuel et de compromettre l’efficacité du futur traité. À l’inverse, des facilitations claires déjà prévues dans le Traité pourraient s’avérer plus appropriées.
2027 : centenaire du droit international des catastrophes
Les délégations qui ont adopté la résolution A/C.6/79/L.16 ont largement négligé (à l’exception d’une déclaration) comment le calendrier d’adoption d’un traité (« d’ici 2027 ») marquait le centenaire de l’adoption de la Convention établissant le Union internationale de secours. Ce traité historique, issu des projets présentés par le président de la Croix-Rouge italienne Giovanni Ciraolo depuis la dixième Conférence internationale de la Croix-Rouge de 1921, fut finalement adopté sous les auspices de la Société des Nations et représentait à l’époque « le seul important instrument multilatéral de droit international public destiné exclusivement aux secours en cas de catastrophe » (MacAlister-Smith, 363).
L’Union internationale de secours a dû faire face à de nombreux défis avant de disparaître après la Seconde Guerre mondiale, mais ses objectifs, à savoir « fournir à la population en souffrance les premiers secours et rassembler à cet effet des fonds, des ressources et une assistance de toutes sortes » et « encourager l’étude des mesures préventives contre les catastrophes et inciter tous les peuples à se prêter une assistance internationale mutuelle » (IRU, art. 2) sont toujours d’actualité. Après un siècle, le temps est à nouveau venu pour les États de combler une lacune importante du droit international en fournissant aux victimes de catastrophes, aux États touchés et en aidant les acteurs un traité universel complet, efficace et fonctionnel pour faire face aux catastrophes.