Cela se propage sur internet : Comment l’institution judiciaire « protège la classe bourgeoise »

Nous allons tout vous révéler sur cet article qui vient d’être publié, dont le propos est «la justice».

Son titre (Comment l’institution judiciaire « protège la classe bourgeoise ») en dit long.

L’auteur (présenté sous le nom d’anonymat
) est reconnu comme quelqu’un de sérieux.

Cet encart peut par conséquent être pris au sérieux.

Dans l’ouvrage, vous décrivez plus de 200 histoires judiciaires, parfois d’une grande violence. Il y a notamment celle d’un jeune homme, renvoyé de pays en pays depuis des années. Il a été jugé et écroué pour s’être automutilé à l’arrivée de la Police aux frontières venue l’expulser. Qu’est-ce que cette situation représente pour vous ?

L’histoire illustre beaucoup le racisme systémique qui transparaît avec extrêmement de violence dans la chaîne pénale. Elle montre que toutes les étapes en sont parsemées, du contrôle policier au faciès au choix du parquet de poursuivre en comparution immédiate. Cette dernière est une machine à envoyer en prison, où les avocats n’ont parfois reçu le dossier qu’une heure avant. Résultat : des peines démesurées, sans rapport avec la gravité des actes.

Là, on a donc un jeune homme qui a été condamné à trois mois ferme car il s’est automutilé pour se soustraire à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Autrement dit, il n’a même pas le droit de mourir. Il n’y a rien qui va car la prison ne résoudra rien à la situation de cet homme ! Alors qu’il ne demandait qu’à aller en Espagne où vit sa sœur qu’il voulait retrouver. Si une personne blanche racontait une histoire aussi traumatique, je pense qu’elle n’aurait pas du tout été entendue de la même manière. Car les magistrats auraient sûrement eu plus d’empathie. Il y a souvent une déshumanisation des personnes racisées ou pauvres. Comme si la prison, c’était normal pour elles.

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Armée d’un pinceau trempé dans de l’encre de Chine, Ana Pich dessine ce qu’elle voit et entend depuis le banc du public. /
Crédits : Ana Pich

Vous évoquez aussi dans votre livre la répression des stupéfiants comme le moyen de « surveiller et réprimer les classes populaires discriminées et marginalisées par notre société ». Avez-vous une histoire en particulier qui vous revient en tête pour illustrer ça ?

Il y en a une qui me donne encore aujourd’hui la nausée tant elle illustre malheureusement le mépris social et l’ignorance des magistrats face à l’exclusion sociale et la pauvreté. En juillet 2022, une jeune femme est arrêtée pour avoir avalé et transporté un demi-kilo de cocaïne depuis la Guyane. Devant le juge, elle est en larmes. Elle décrit les 7.000 euros de dettes EDF, la baisse de la Caf, les conditions de garde à vue indignes, les policiers qui l’accusent de se prostituer après avoir trouvé de la lingerie dans sa valise. Mais le procureur a l’indécence de lui rétorquer : « C’est de l’argent facile. » C’est honteux, elle aurait pu y rester ! Ce n’était pas un procès pour trafic de stupéfiants, mais un procès contre la pauvreté.

Le pire, c’est qu’en la condamnant « seulement à une amende », les magistrats s’assuraient de garder leur dignité. Mais elle a eu 36.000 euros d’amende, c’est signer son arrêt de mort ! Comment va-t-elle rembourser la cocaïne saisie ? Payer ses factures qui s’accumulent ? Pouvoir retourner en Guyane où est son enfant ?

En comparaison, dans une autre affaire, un militaire qui importe des armes de guerre des États-Unis et planque des grenades dans son linge sale est condamné à seulement 2.000 euros d’amende, dix mois de sursis et aucune interdiction de port d’armes. Pourquoi cette justice à deux niveaux ?

Le parallèle est très intéressant. Dans cette affaire, le militaire comparaît pour ces faits extrêmement graves. Il a importé illégalement des armes de guerre et il a même commandé des pièces détachées pour construire ses propres armes. Pourtant, le gars avant avait passé des mois en liberté car le délibéré était différé. Il n’est pas passé en comparution immédiate. L’audience a été hallucinante. La juge lui a dit, sur un ton très infantilisant, comme pour minimiser les faits : « Mais monsieur, ce n’est pas un vêtement quand même. »

Tout le long, les magistrats ont répété que s’il avait fait ça, c’était forcément par inadvertance. Moi, je ne sais pas mais quelqu’un qui est militaire professionnel, qui cache des grenades dans son linge sale et qui dit qu’il ne l’a pas fait exprès, c’est assez culotté ! Et jamais on ne questionne ses opinions politiques. Pas d’enquête. Aucune expertise sur son ordinateur. Mais pour ce monsieur, on ne lui a jamais demandé s’il n’était pas un nazi ou s’il ne préparait pas un attentat d’extrême droite ? Pour ces gens, il y a une présomption de bonne foi qui n’a rien de neutre.

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Ana Pich confie que ses dessins « n’étaient au départ que de simples pense-bêtes » pour son mémoire sur les « facteurs d’influence de la chaîne pénale ». /
Crédits : Ana Pich

Selon vous, les personnes qui bénéficient le plus de cette « impunité judiciaire la plus totale » sont les auteurs de violences policières. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi à travers un exemple ?

J’ai dessiné un procès très parlant à ce propos-là. Un jeune homme est jugé pour tentative de vol nocturne dans un local commercial. La justice lui impose une peine de quatre ans de prison ferme, assortie de 4.370 euros de dommages et intérêts pour les policiers qui l’ont arrêté. Aucun d’entre eux n’a pourtant eu de blessures graves, pas même un jour d’ITT ! Par contre, ce jeune, lui, a échappé de peu à la mort lorsque l’un des policiers a vidé son chargeur de 24 balles vers sa tête à travers le pare-brise de la voiture dans laquelle il repartait du local. Cette peine extrêmement lourde n’est autre qu’une façon de donner une gravité à l’infraction pour justifier la violence policière. Et évidemment, les policiers n’ont pas été poursuivis pour tentative de meurtre…

Ce qui m’a le plus marqué dans ce procès, c’est à quel point le prévenu était conscient du système auquel il se confrontait. Durant la suspension d’audience, il a lancé à sa famille : « Si je prends quatre ans, ce n’est même pas ce que prend un violeur. » Et il a raison.

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« Mettre en lumière ce qui se passe dans une salle d’audience, c’est aussi politique que de juger », soutient l’autrice de 29 ans.

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Crédits : Ana Pich

Vous évoquez aussi le procès d’un Gilet jaune qui a pris une peine très lourde : trois ans ferme pour un coup de pied dans une Tesla. Vous parlez d’un « procès à dimension politique ». En quoi cette histoire en est-elle particulièrement représentative ?

Les militants de gauche opposés au gouvernement sont souvent criminalisés, en contradiction totale avec le principe d’indépendance de la justice. Dans cette affaire, le prévenu a subi un acharnement particulièrement violent. Il a été accusé de rébellion envers les policiers, sur la base d’un simple PV, la justice l’a condamné à trois ans de prison ferme, 1.000 euros de dommages et intérêts pour les policiers et 1.000 autres pour la Tesla. Plus tard, alors qu’il est en prison, on l’en sort pour le placer en garde à vue pendant deux jours en vue d’une comparution immédiate pour « apologie publique du terrorisme », parce qu’il a écrit « le Hamas vaincra » dans sa cellule. La juge a reconnu l’absence de motif terroriste, a refusé de l’inscrire dans le fichier des auteurs d’actes terroristes, mais lui a quand même ajouté deux mois ferme, histoire de dire qu’on ne l’a pas sorti pour rien.

La justice crée ainsi de toutes pièces une « clientèle pénale ». Dans le même temps, une pharmacienne qui tabasse une hôtesse à l’aéroport, causant dix jours d’ITT, est repartie libre sans casier judiciaire. Le procureur a justifié que « ce n’est pas le genre de personne qu’on reverra devant le tribunal ». C’est très intéressant. On dit qu’on ne la reverra pas, mais si ça se trouve, ça fait quarante ans qu’elle comparaît tous les ans, mais sous prétexte qu’elle ne correspond pas à la « clientèle pénale », son dossier reste vide.

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